mercredi 21 novembre 2007

Lettre à un ami

25 Décembre 1987. Il est 7 heures 30, ou presque. Je me réveille avec le dynamisme d’un garçon de 6-7 ans ; normal en même temps, c’est approximativement l’âge que j’ai. Fébrilement, je pose le pied droit sur la moquette, je doute, un instant : "L’attente inéluctable prend-elle fin ce jour ? D’ailleurs, sommes-nous vraiment ce jour ? Sommes-nous vraiment Noël ?" ... Je délaisse finalement ces interrogations, un brin trop prise de tête pour un gamin, et je m’extirpe de la chambre pour m’engouffrer dans le couloir et la vigueur de l’hiver, sans même prendre la peine d’enfiler un gilet ; ce qui agacera, plus tard, ma très chère mère. Ensuite, presque religieusement, comme pour ne pas brusquer la délicatesse du rêve, j’ouvre la porte de la salle à manger. Je vois alors, au pied du grand sapin, un présent, de forme rectangulaire... le doute n’est plus permis !

Difficilement ( peut-être est-ce l’excitation du moment ? ), je parviens à défaire le papier cadeau, découvrant ainsi les désormais célèbres lettres rouges qui ornent la totalité des produits estampillés Nintendo. Je sors, de manière désordonnée, les différents éléments disposés dans la boîte ( console, transformateur, câble péritel et manettes ) ; ne prenant pas la peine, au passage, de jeter un œil sur les instructions fournies avec. J’effectue ensuite les quelques branchements nécessaires, j’insère la cartouche Super Mario Bros / Duck Hunt, "gracieusement" offerte, j’allume le grand téléviseur et saisis la manette. Mon sourire se reflétant dans l’écran s’efface au profit d’un écran-titre silencieux. Je presse alors le bouton A et...

La mélodie qui succède au silence raisonne dans la pièce et dans ma tête. Un sympathique petit personnage gesticule, au gré de mes envies, dans un décor des plus singulier. J’avance, lentement, presque étourdi par ce qu’il est possible de réaliser à l’écran. Je saute, martelant les briques de la tête, j’aplatis d’étranges créatures aux formes arrondies, je mange des champignons, attrape quelques pièces. L’émotion m’étreint, me saisit violemment. Le bonhomme vit, survit grâce à moi ! Je ne peux décemment l’abandonner, je ne peux me résoudre à arrêter. Et quand bien même, pourrais-je me pardonner d'avoir laissé ainsi, à son propre sort, ce nouvel ami de pixels ? Pire, pourrais-je retrouver, une fois la télé éteinte, ces morceaux de sourires, de joies qui tourbillonnent dans mon esprit ?

Qui sait, peut-être jamais... ou dans 10 ans seulement...


21 Décembre 1997. Il est 18 heures 30, ou presque. Le froid de l’hiver frappe à la fenêtre mais qu’importe, le soleil est dans ma chambre. De l’espoir plein la tête, du rêve dans les yeux et le sourire retrouvé d’il y a 10 ans. Fébrile ? Assurément. Je n’ai d’ailleurs pas su défier la patience, non, je n’ai pas attendu Noël et le sacro-saint 25 Décembre. Comment pourrais-je en fait ? Comment ne pas céder ? La presse spécialisée ne tarit plus d’éloges sur le nouveau bébé de Nintendo et tartine ses pages de superlatifs. Non, je ne peux décemment plus attendre !

Je saisis alors l’imposante boîte, affublée du fameux logo rouge, et déballe le tout sur la moquette. Ensuite, et de manière méthodique ( et oui, on change en grandissant ), je vérifie, un à un, les éléments qui composent le pack, effleurant au passage les formes arrondies de la précieuse console. L’impatience, finalement, s’efface, le temps s’arrête, ou presque. Je m’attarde même, un instant, sur les images disposées à l’arrière de la boîte, c’est dire ?! "Aurais-je, inconsciemment, peur d’être déçu ?" ... Cette pessimiste question est très vite oubliée lorsque mes yeux se posent sur la jaquette du jeu tant convoité : Super Mario 64. L’envie se fait pressante, à nouveau. Je reprends derechef ! L’installation ne demande guère que quelques minutes. Je peux enfin appuyer sur le bouton Power.

Une voix guillerette parvient alors à mes oreilles. Oui, cet ami d’il y a 10 ans s’annonce. Puis son visage apparaît, la mine visiblement réjouie. Le prologue passé, je peux débuter la partie. Le petit personnage rondouillard gesticule, au gré de mes envies, dans la coursive d'un château sublime ( et sublimé par la 3D ). J’avance, lentement, presque étourdi par ce qu’il est possible de réaliser à l’écran. Je saute, d’une façon différente à chaque fois, je cours, je grimpe aux arbres, j’attrape quelques pièces. L’émotion m’étreint, me saisit violemment... le bonhomme vit, revit, de nouveau grâce à moi ! Je ne peux pleinement décrire l’instant, juste dire que je suis heureux tout simplement. L’histoire se répète... et je ne puis me résoudre à stopper la partie. Oui, pourrais-je retrouver, une fois la télé éteinte, ces bouts de magies, ces poussières d’étoiles et cette joie qui tourbillonnent encore dans mon esprit ?

Qui sait, peut-être jamais... ou dans 10 ans...


16 Novembre 2007. Il est 10 heures, ou presque. J’entrevois par la fenêtre le gris des nuages, les gouttes de pluies et mon reflet dans le verre. Comme j’ai grandi. Je me retourne alors, déposant mon regard sur le bureau. Oui, j’ai grandi mais je ne t’oublie pas très cher ami. Mieux, là sur ce grand bureau, je te retrouve enfin, souriant, sous ton nouveau nom : Super Mario Galaxy. Puis, peu à peu, l’âge aidant, le doute s’installe : "Les années ont passées, le plaisir de te revoir est bien présent certes, sauras-tu néanmoins me rappeler cette émotion d’antan ?" ... Je ne dois pas céder au pessimisme ! Je ne puis croire que tu aies tant changé.

J’ouvre le boîtier blanc et saisis, prudemment, le brillant CD. Je l’insère dans la console, allume l’écran LCD. Le jeu est lancé... Une voix familière raisonne de nouveau dans la pièce. Une mélodie nouvelle, un écran-titre et des étoiles. Et dans ma tête, des souvenirs d’il y a 10 ans... 20 ans même. Des souvenirs qui, malheureusement, s’échappent et filent, comme une étoile. En effet, passé quelques minutes, je t’aperçois très cher ami, en bien mauvaise posture. Ta dulcinée est de nouveau enlevée, Bowser est triomphant et toi... et toi... fatigué, le souffle court. "Le poids des années aurait-il eu raison de nous ? La concurrence aurait-elle finie par te faire plier ?" Je ne puis me résoudre à le croire. C’est en ami que je vais continuer...

Quel mauvais tour m’as-tu joué là ? L’introduction était trompeuse, ton état de fatigue également. Ce petit personnage rondouillard, d’il y a 10 ans, gesticule de nouveau, au gré de mes envies, dans un environnement spatial des plus savoureux. J’avance, lentement, étourdi par ce qu’il est possible de réaliser à l’écran. Je cours et tourne, tourne tout autour des planètes, je saute et virevolte, j’attrape des fragments d’étoiles et quelques pièces. L’émotion m’étreint, me saisit violemment... tu vis, revis. Moi aussi. Je ne peux pleinement décrire le moment, juste dire que je suis heureux tout simplement. L'histoire se répète.

Il y en a certains qui tombent amoureux d’une musique, d’un livre ou d’un film. Il y en a même qui en pleurent de joie... un peu... beaucoup. Et bien sache, fidèle ami, qu'il en va de même pour moi. Oui, toujours intacte, l'émotion est vive. Les jours passent, les années filent, mais toujours, lors de nos retrouvailles, il subsiste cette émotion particulière. Alors, si je puis te dire une chose très cher ami, si je puis faire quelque chose en échange de toutes ces étoiles qui trottent dans ma tête, c’est juste te dire ...

Merci.


Signé un ami.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

J'ai tout simplement adoré ton article. T'as réussi à me refiler tes émotions, renouer avec la série que l'on adule à dix ans d'intervalle presque jour pour jour, je trouve ça fabuleux. Malheureusement, j'ai pas connu cette époque du jeu vidéo.

Continue ton boulot, les dessins sont supers et les articles aussi !

keep it up !